Radeau de Lampedusa
Introduction
Le radeau de Lampedusa est une sculpture-installation de l'artiste britannique Jason deCaires Taylor, créée en 2016. Elle se trouve immergée dans l'océan Atlantique au large des Canaries. Elle évoque le sort des migrants clandestins africains ainsi que les questions environnementales.
Biographie de Jason deCaires Taylor
Jason deCaires Taylor, est un artiste anglais né en 1974 et spécialisé dans la création de sculptures sous-marines. Fils unique d'un père britannique et du mère guyanaise, tous les deux professeurs, Jason deCaires Taylor a fait ses études dans le Kent, puis Camberwell College of Arts (institut de Londres). Dès son enfance, son goût pour la faune maritime lui vient de ses séjours avec ses parents en Thaïlande et en Malaisie. Il fait de la plongée et devient moniteur en Australie. Il exerce divers petits boulots comme graveur sur pierre, scénographe de concerts, photographe sous-marin. Revenu à Londres, il collabore notamment à la construction du Dôme du millénaire. Puis il s'installe sur l'île de Grenade dans les Caraïbes et crée sa première sculpture sous-marine intitulée Grace Reef. Il y ouvre son premier parc de sculptures sous-marines, qu'il finance avec l'argent de la vente de sa maison au Royaume-Uni. En 2009, il fonde le musée sous-marin de Cancun. En 2016, Jason deCaires Taylor ouvre le Museo Atlántico près de Lanzarote, dont fait partie Le radeau de Lampedusa. L'artiste anglais est influencé par des artistes comme George Segal ou divers hyperréalistes.
Les oeuvres de Taylor développent trois thèmes majeurs : la nature, en particulier la protection de la faune sous-marine, la mythologie et la métamorphose. Le sculpteur a créé de nombreuses oeuvres à travers le monde parmi lesquelles :
- Grace Reef, sur l'île de Grenade (2006) ;
- The Silent Evolution, Cancún, Mexique (2011) ;
- Dream Collector, Cancún (2009) ;
- Rubicon, Lanzarote, (2016) ;
- Le radeau de Lampedusa (2016).
- Contexte géographique / situation
Le radeau de Lampedusa se trouve dans l'océan Atlantique, au large de l'île de Lanzarote, dans la province des Canaries, en Espagne. Cette région attire de nombreux touristes mais aussi des migrants, parfois clandestins, venus des côtes africaines situées à l'est. L'oeuvre se trouve au coeur de la réserve mondiale de biosphère de Lanzarote.
Lampedusa est le nom d'une île italienne située entre l’île de Malte et la Tunisie en mer Méditerranée. En raison de sa proximité avec l'Afrique, l'île est un point d’entrée privilégié pour les immigrés irréguliers qui veulent gagner l’Europe. Ceux-ci tentent la traversée au péril de leur vie dans des embarcations de fortune.
Entre le 1er janvier et le 14 septembre 2021, plus de 11 000 migrants sont arrivés sur les littoraux de l’archipel des Canaries, soit près de deux fois plus que lors des neuf premiers mois de l’année 2020. Et le nombre de morts serait de 785 dont 50 enfants. Les migrants clandestins viennent du Maroc ou d'Afrique subsaharienne. Ils fuient la pauvreté, le chômage, la violence et les mauvaises conditions d'existence. Ils espèrent trouver un emploi et une vie meilleure en Espagne. Ils sont poussés à partir par les effets du changement climatique ou les persécutions. Ils sont transportés par des passeurs, sur des embarcations fragiles, par exemple de longues pirogues en bois et surchargées. La navigation est dangereuse et ceux qui y survivent sont généralement hébergés dans des camps ou renvoyés dans leur pays d'origine.
Contexte artistique
Le radeau de Lampedusa est une sculpture mais aussi une installation : en effet, l'oeuvre prend tout son sens parce qu'elle est immergée et parce qu'elle se trouve près d'une île où arrivent les migrants clandestins. Selon l'encyclopédie wikipédia, "une installation artistique est une œuvre d'art visuel en trois dimensions, souvent créée pour un lieu spécifique (in situ) et conçue pour modifier la perception de l'espace. Le terme « installation » apparu dans les années 1970 s'applique généralement à des œuvres créées pour des espaces intérieurs (galerie, musée)".
Par certains aspects, le sculpture de Jason deCaires pourrait aussi s'apparenter à du Land Art : exposée en milieu naturel, en dehors des musées et lieux d'expositions traditionnels, elle est accessible à tous. Elle est aussi soumise aux éléments de la nature qui la transforme et pourrait la faire disparaître.
Description / analyse
Les personnages sont représentés en taille réelle et de manière réaliste : elles sont « moulées » sur de vraies personnes recrutées sur le port ou à la terrasse des cafés de l'île de Lanzarote. L'artiste s'est attaché à représenter le moindre détail comme la bouée de secours ou encore les poignées de chaque côté du zodiac. En revanche, les statues ne sont pas peintes et ont toutes une couleur grisâtre. L'ensemble pèse près de neuf tonnes. Le bateau repose sur une base de basalte (une roche volcanique, les Canaries sont des îles volcaniques) et granulats.
Les personnages ont les yeux fermés, ils semblent pétrifiés, immobiles, ce qui peut faire penser aux moulages des victimes de l'éruption du Vésuve en 79, figés dans leur dernière attitude. Jason deCaires Taylor a veillé à utiliser des matériaux non polluants (béton au PH neutre, armature en fibre de verre) pour l'environnement. Les statues de Jason deCaires Taylor peuvent servir de refuge aux animaux marins et ainsi constituer des récifs artificiels.
On compte treize personnages, un nombre qui porte malheur pour les superstitieux. Ils n'ont aucun bien, à part leurs vêtements. On imagine que le bateau a fait naufrage et se retrouve au fond de l'océan. On pourrait aussi croire que la sculpture a été submergée par l'élévation du niveau moyen des océans, à cause du réchauffement climatique.
Chaque personnage se distingue des autres par son âge, son genre, et surtout son attitude. L'artiste met en scène des hommes et des femmes serrés sur un canot pneumatique, autour d'un homme mort allongé au centre. Les passagers semblent abandonnés, livrés à leur sort. Un homme est assis à l'avant du navire qui semble se surélever : Taylor a choisi le réfugié Abdel Kader comme figure de proue du Radeau de Lampedusa. Kader vient de Laâyoune, la plus grande ville du Sahara Occidental, et a traversé l'Atlantique en bateau jusqu'à Lanzarote il y a 16 ans alors qu’il n’était âgé que de 13 ans.
La découverte de la sculpture Le radeau de Lampedusa nécessite un équipement de plongée. Elle est également visible depuis un sous-marin de poche et un bateau à coque de verre. Elle repose à une dizaine de mètres de fond. Les visiteurs accompagnés d'un guide peuvent alors voir l'oeuvre sous différents angles et même du dessus. Ils peuvent toucher la statue. Ils évoluent dans un silence relatif ; ils profitent de la lumière et des reflets changeants sur l'oeuvre. Les jours de grand vent, la visibilité est faible, et les statues incarnent une présence floue et inquiétante.
Le milieu marin transforme également l'oeuvre qui est altérée par le sel, les courants, la prolifération des algues et des coraux.
Arts, ruptures, continuités
Les deux oeuvres ont des points communs : elles évoquent le sort des naufragés et toutes les deux se déroulent au large de l'Afrique, dans l'océan Atlantique. Elles se veulent réalistes.
Mais les différences sont aussi nombreuses (voir le tableau). Mesurant 491 cm sur 716 cm, Le radeau de la Méduse est un tableau du mouvement romantique exposé au musée du Louvre à Paris.
Le radeau de Lampedusa, comme les autres statues de Jason deCaires Taylor, est également une oeuvre nouvelle : aucun autre artiste n'avait eu l'idée de créer des musées sous-marins. Les statues romaines retrouvées à Baïes par exemple ne furent pas placées sous l'eau par les artistes, de manière délibérée, mais englouties par la montée de la Méditerranée. En 2017, à Venise, Damien Hirst a exposé des statues censées avoir été découvertes au fond de la mer, recouvertes de coraux et d'éponges réalisées en résine.
Arts et pouvoirs
Le Radeau de Lampedusa peut être considérée comme une oeuvre engagée sur deux thèmes : le sort des migrants clandestins et le changement climatique. Si Jason deCaires Taylor dément avoir voulu créer un mémorial pour les migrants, son oeuvre interpelle le public et les pouvoirs. Grâce à ses sculptures sous-marines, l'artiste anglais s'est fait une réputation qu'il met au service de la cause environnementale. Il cherche à sensibiliser le grand public à la dégradation des milieux marins.
SOURCES :
- Wikipédia : articles "Jason Decaires Taylor", "Le radeau de la méduse" ;
- Le site de l'artiste : https://www.underwatersculpture.com/projects/museo-atlantico-lanzarote/
- Le Monde : un article sur les migrants aux Canaries - https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/09/29/le-nombre-d-arrivees-de-migrants-aux-canaries-a-double-depuis-le-debut-de-l-annee_6096509_3212.html