Adolf le surhomme
''Adolf, le surhomme : avale de l'or et débite de la camelote'' (en allemand ''Adolf, der Übermensch: Schluckt Gold und redet Blech'') est un photomontage publié dans A.I.Z. (journal illustré des ouvriers allemands) le 17 juillet 1932
Biographie
John Heartfield (né Helmut Herzfeld en 1891 et décédé en 1968) est un artiste et photomonteur allemand célèbre pour ses photomontages satiriques et engagés contre le nazisme. Sa biographie est marquée par des événements personnels et historiques qui ont profondément influencé son œuvre et sa vision artistique. Voici les éléments les plus importants de sa biographie :
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Naissance et Enfance : Né à Berlin, il grandit dans une famille marquée par des idées socialistes. Ses parents, artistes et écrivains socialement engagés, fuient l'Allemagne pour Zurich à cause de leurs opinions politiques, ce qui marque le début de son implication indirecte avec la politique.
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Changement de Nom : En 1916, pendant la Première Guerre mondiale, il change son nom de Helmut Herzfeld à John Heartfield pour protester contre la montée du sentiment anti-anglais en Allemagne. Ce changement de nom symbolise son rejet du nationalisme et de l’autoritarisme qui prenaient racine dans le pays.
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Engagement dans le Dadaïsme : Heartfield rejoint le mouvement Dada à Berlin dans les années 1910, un mouvement artistique anti-guerre et anti-establishment, prônant la révolte contre la société bourgeoise. Dans ce contexte, il commence à explorer le photomontage, une technique qu’il développera tout au long de sa carrière.
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Critique du Nazisme à Travers le Photomontage : Durant les années 1920 et 1930, il utilise le photomontage pour dénoncer la montée du nazisme, d’Hitler et des atrocités politiques de son époque. Ses œuvres, publiées notamment dans le magazine satirique Die Arbeiter-Illustrierte-Zeitung (AIZ), deviennent des outils de propagande antifasciste et inspirent d’autres artistes engagés. Il transforme les symboles nazis en images percutantes qui critiquent le régime de manière audacieuse.
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Exil et Résistance Artistique : En 1933, face à la montée du nazisme et à la persécution des artistes et intellectuels, Heartfield s'exile en Tchécoslovaquie, puis en Angleterre. Malgré cet exil, il continue à produire des œuvres antifascistes. Ses photomontages, souvent montrés lors d'expositions, gardent leur efficacité en tant qu’armes visuelles contre la dictature.
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Retour en Allemagne de l’Est : Après la guerre, il retourne en Allemagne de l'Est en 1950, où il continue de travailler comme graphiste pour le théâtre et dans l'édition. Bien qu’il soit accueilli avec respect pour son travail contre le fascisme, ses relations avec le régime communiste sont parfois tendues, car il préfère garder une certaine indépendance artistique.
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Héritage et Influence : Heartfield est considéré comme un pionnier du photomontage engagé, influençant les mouvements d'art politique et le graphisme militant. Sa méthode et son style visuel sont encore étudiés aujourd’hui comme des exemples puissants d’art de résistance.
Contexte historique
En juillet 1932, il y a des millions de chômeurs en Allemagne, le pays est en pleine crise économique et politique. En septembre 1930, les nazis remportent un important succès électoral. En avril 1932, les élections présidentielles permettent la réélection de Paul von Hindenburg. Son adversaire le plus sérieux est Adolf Hitler, le candidat du NSDAP, qui obtient 36 % des suffrages au second tour. Des historiens comme Ian Kershaw ont montré que les nazis n'auraient pu faire carrière en politique sans le soutien de la haute bourgeoisie, qui pensait ensuite pouvoir manipuler Hitler. D'autres, tel Henry Rousso, considèrent que le grand capital allemand n'a pas apporté son soutien à l'avènement du nazisme. Mais après 1933, les patrons d'industrie et de la finance se sont accommodé du régime nazi pour gagner de l'argent.
John Heartfield met en évidence une autre facette de Hitler : sa façon de s'adresser aux foules. Ian Kershaw rappelle les talents d'orateur hors du commun du Führer. Un rapport militaire explique que "c'est un tribun-né qui, par son fanatisme et son style populiste, captive l'attention et oblige à penser comme lui".
Contexte artistique
Les photomontages de John Heartfield appartiennent au mouvement Dada parce qu’ils partagent son esprit de révolte, son humour provocateur, et son rejet des normes traditionnelles de l’art et de la société. Voici comment ils s'inscrivent dans le mouvement Dada :
- Critique de la Société et de la Politique : Le mouvement Dada est né pendant la Première Guerre mondiale, en réaction à l’absurdité de la guerre et au conformisme de la société. Heartfield utilise le photomontage pour critiquer violemment la montée du nazisme et les injustices sociales, ce qui est au cœur de l’esprit Dada.
- Humour et Satire : Les artistes dada utilisent l’humour, le sarcasme et l’ironie pour dénoncer les abus de pouvoir et les absurdités du monde. Heartfield fait de même en utilisant des images choc et des collages qui tournent en ridicule Hitler, les nazis et les symboles de leur propagande, transformant leur propre image en armes contre eux.
- Technique du Photomontage : Le photomontage, qui consiste à assembler des morceaux de photos pour créer une nouvelle image, est une technique que Dada a popularisée. Heartfield devient un maître dans cet art, créant des images percutantes en collant et en modifiant des photos pour donner un message fort.
- Rejet de l’Art Traditionnel : Comme les dadaïstes, Heartfield refuse les règles et les formes classiques de l’art. Il utilise des techniques simples et des images de la vie courante, comme des photographies de journaux, pour créer un art accessible et compréhensible par tous.
Description
Adolf le surhomme est un portrait d'Adolf Hitler, représenté debout en plan moyen ou plan taille. On ne voit pas ses mains et il est habillé en uniforme. Il est photographié en noir et blanc sur un fond neutre. Son œsophage est transformé en colonne de pièces de monnaie (des marks). Il a la bouche ouverte, comme s'il allait crier. La croix gammée, symbole du nazisme, est représentée à la place de son cœur. Un peu plus bas, on peut voir la croix de fer, une décoration militaire de guerre d'abord prussienne, puis allemande. Cet insigne renvoie à la décoration que Hitler a reçue en août 1918, alors qu'il était caporal pendant la Première Guerre mondiale. Elle symbolise aussi le militarisme auquel John Heartfield s'oppose.
L'idée d'une image composite formée d'autres images est reprise, d'autant plus que la référence à la radiographie (image scientifique par excellence) renforce, dans l'esprit de l'époque, l'idée que la photographie représente une forme de réalité à l'inverse de la peinture (et ce, même si l'affiche est explicitement caricaturale et allégorique).
Arts, Etats, pouvoir
''Adolf, le surhomme'' est une image de propagande contre Hitler et le nazisme : John Heartfield est un homme engagé à gauche, adhérent du Parti communiste allemand, à l'opposé du Parti nazi. Il critique de façon efficace, sur le mode de la caricature et de l'art, Adolf Hitler.
Cette oeuvre critique la corruption : les pièces d’or représentent les soutiens financiers que Hitler reçoit des industriels allemands et des riches pour financer son régime. Heartfield suggère qu’Hitler n’est pas le "surhomme" qu’il prétend être, mais qu’il est manipulé et financé par des intérêts privés, tout en exploitant le peuple.
En montrant Hitler qui "débite du fer" (ou des mots durs et violents), Heartfield critique les discours de haine et de violence d’Hitler, destinés à galvaniser la population pour servir ses projets de guerre. Cela symbolise aussi la manière dont les paroles d’Hitler sont comme des armes, utilisées pour contrôler et diviser la société allemande.
Le titre "Adolf, le surhomme" est ironique. Dans l’idéologie nazie, le "surhomme" (ou Übermensch) est un être supérieur, mais Heartfield montre qu’Hitler n’est pas un héros puissant. Au lieu de cela, il est un simple instrument des riches, manipulé par l’argent et utilisant sa position pour répandre des idées destructrices.
Ce photomontage réussit à révéler les mensonges et la manipulation derrière la propagande nazie, et il critique le côté autoritaire et brutal du régime. Heartfield transforme ainsi une image simple en une critique profonde et efficace contre Hitler et le nazisme.
Vocabulaire
Le fascisme, c'est un système politique très autoritaire dans lequel un chef ou un groupe de personnes prend le pouvoir et contrôle presque tout, souvent de manière violente. Dans un régime fasciste, on n'a pas le droit de penser ou de s'exprimer librement si on n'est pas d'accord avec ce que dit le chef. Les gens sont souvent forcés d’obéir sans poser de questions, et ceux qui n'obéissent pas peuvent être punis très sévèrement.
Les fascistes croient aussi que leur pays, leur groupe, ou même leur chef est meilleur que les autres et qu’ils doivent imposer leurs idées aux autres, souvent par la force. Ils essaient de supprimer tous ceux qui ne sont pas d’accord avec eux pour avoir un contrôle total sur la société.