Jace, La traversée de Paris, 2024
Présentation de l'oeuvre :
La traversée de Paris est une oeuvre de JACE. Elle a été créée en 2024, à l'occasion des jeux olympiques d'été de Paris. Elle est peinte à l'acrylique sur toile de lin. Elle mesure 30 cm de haut sur 90 cm de large. Elle a été exposée à la galerie Math Goth à Paris. Cette exposition s'appelle "Le Revers de la Médaille" et évoque les Jeux olympique dans une vingtaine d'oeuvres.
Biographie de Jace
Jace est un street artiste français né en 1973 au Havre, connu pour son style ludique et coloré. Il est le créateur de petits personnages appelés "Gouzous". Ces petits personnages sans visage sont devenus sa marque de fabrique et apparaissent dans des scènes humoristiques. Ils interagissent avec leur environnement. Dans les années 1990, Jace s’intéresse à l’art urbain (street art). Après avoir commencé au Havre, il s'installe à l'île de La Réunion en 1992, où il développe son style. C'est là qu'il crée le Gouzou : ce petit bonhomme forme un langage visuel universel, simple, sans mots mais plein de sens. Les gouzous apparaissant sur des murs, des bâtiments ou même des objets insolites dans plus de 30 pays. Ils expriment des messages engagés sur l’environnement, la politique ou la société.
Le style de Jace se distingue par des lignes simples, des couleurs vives et des compositions ingénieuses qui jouent avec le décor environnant. Malgré sa discrétion personnelle (il tient à préserver son anonymat), Jace est reconnu dans le milieu de l’art urbain. Il a également collaboré avec des marques et des événements culturels, tout en continuant à privilégier un art accessible à tous, dans les espaces publics.
A partir des années 2000, Jace peint sur de nouveaux supports et de nouvelles techniques artistiques comme la peinture sur toile ou la sculpture. Son travail attire l’attention des galeries d’art.
Pour Jace, l’art est un moyen de faire sourire, mais aussi de réfléchir. Derrière la légèreté apparente de ses œuvres se cache souvent une critique sociale ou une observation malicieuse du monde. Ce mélange d'humour, de poésie et d'impact visuel fait de lui une figure unique du street art d'aujourd'hui.
Contexte : street art et jeux olympique
Les Jeux Olympiques d'été sont un événement sportif international majeur organisé tous les quatre ans, par le Comité International Olympique (CIO). Ils rassemblent des milliers d'athlètes du monde entier pour concourir dans une large variété de disciplines sportives. Les JO d'été mettent en avant la paix, l'universalité, et l'excellence sportive. L'événement commence par une cérémonie d'ouverture avec le défilé des nations et l'allumage de la flamme olympique, et se termine par une cérémonie de clôture. Des athlètes de plus de 200 pays participent, symbolisant l'unité et la diversité à l'échelle mondiale. Les JO favorisent également le développement urbain dans les villes hôtes, même si cela suscite parfois des critiques sur les coûts et les impacts environnementaux.
La flamme olympique, allumée à Olympie en Grèce, parcourt plusieurs villes françaises et internationales avant d’arriver à Paris. Les porteurs de la flamme olympique représentent les valeurs olympiques et symbolisent l’universalité et l’inclusivité de cet événement.
Le street art désigne des créations artistiques réalisées dans l'espace public, comme sur des murs, des trottoirs ou des structures urbaines. C'est une forme d'expression artistique qui utilise souvent des techniques comme le graffiti, le pochoir, la mosaïque, les collages ou la peinture murale. Le street art est destiné à être vu par tout le monde, sans nécessiter de visite dans une galerie ou un musée. Il peut transmettre des messages politiques, sociaux, humoristiques ou purement esthétiques. Certaines œuvres sont temporaires et exposées à la dégradation naturelle ou à leur recouvrement. Parmi les street artistes connus, on peut citer Banksy (connu pour ses pochoirs engagés et provocateurs) ou encore Invader (qui réalise des mosaïques inspirées de jeux vidéo anciens). Le street art transforme l'environnement urbain en espace artistique et interactif, mêlant souvent contestation et créativité.
Description et analyse
Le titre de l'oeuvre "La Traversée de Paris" est une allusion à plusieurs éléments :
- C'est le titre d'un film français de 1956, réalisé par Claude Autant-Lara, adapté d'une nouvelle de Marcel Aymé. L'histoire se déroule à Paris pendant l'Occupation allemande, où deux hommes doivent transporter illégalement des valises remplies de viande à travers la ville, de nuit, pour les livrer au marché noir. La mission devient un prétexte pour explorer des thématiques telles que la solidarité, la peur et l'humanité en temps de guerre. Ce film est considéré comme une œuvre majeure du cinéma français, notamment pour les performances mémorables de Jean Gabin et Bourvil, et pour son mélange de comédie et de drame.
- "La Traversée de Paris" peut aussi désigner des événements sportifs comme une course automobile rétro, des courses pédestres ou cyclistes
La toile est de format horizontal. L'action se déroule dans une rue de Paris.
Le personnage principal est le gouzou qui porte la flamme olympique : il est habillé en blanc, la tenue officielle des porteurs de flamme. Le blanc est aussi la couleur de la paix et de la pureté. Il tient la flamme dans sa main gauche. Il a un bandeau sur la tête. Les anneaux olympiques sont représentés sur son T-Shirt. Il court sur la voie de bus (on aperçoit le "B" du mot "bus" sur la chaussée).
Le Gouzou est représenté sous une forme simplifiée, presque enfantine. Il a un corps rond et des lignes douces. Sa tête est ovale ; elle est proportionnellement grande par rapport au reste du corps. Le visage est simplifié à l'extrême ; ses yeux sont absents. L’artiste joue souvent avec ces formes pour donner aux Gouzous une dimension universelle, leur permettant d’apparaître dans divers contextes tout en conservant une identité reconnaissable et facilement identifiable.
L'arrière-plan est occupé par un squat : on aperçoit un habitat précaire : tente, matelas, cadi, palettes de bois composent un paysage urbain dégradé, loin de l'image luxueuse et prestigieuse de Paris. Les couleurs froides dominent (dégradés de verts, bleu, violet) avec quelques touches de couleurs chaudes (casserole, sac). Les personnages et les objets reposent sur un mur monochrome (la toile de lin de l'oeuvre), parsemé de TAGS :
- HELP = "aidez-moi" en anglais renvoie à la détresse sociale ;
- HELL = "enfer" en anglais ;
- CRACK = un drogue dure, dérivée de la cocaïne, consommée sous forme de cristaux. Le crack est souvent associé à des contextes de grande pauvreté, car il est moins cher que la cocaïne en poudre. Il est également fortement lié à des problèmes de santé publique et de criminalité dans les grandes villes.
L'oeuvre de Jace joue sur l'opposition entre les personnages :
- Le porteur de flamme est grand, en premier plan. Il est en bonne santé, sportif, dynamique, propre. Il semble en lévitation, léger (l'artiste a représenté une ombre sous lui). On dirait qu'il fait des bonds.
- Les trois autres gouzous sont en arrière plan. Ils sont plus petits (ce qui donne une impression de perspective), statique (allongés) et ne vont pas bien (un drogué à gauche, un alcoolique, un SDF à droite).
- Les spectateurs ne sont pas représentés sur cette scène. Ils sont remplacés par des personnes en difficulté sociale.
- Le porteur de flamme semble mettre le feu aux objets en arrière-plan. On peut interpréter cette scène comme un accident, Jace veut montrer qu'on oublie les marginaux pendant les JO. Le porteur de flamme ne porte aucune attention à ce qui se passe autour de lui, il est absorbé par sa mission : porter la flamme olympique.
- Si Jace reprend les codes du street art (gouzou, ville, tags, thème social) cette oeuvre s'en éloigne également car elle n'est pas faite sur un mur et a été vendue.
Arts, Etats, pouvoir
L'oeuvre de Jace contient des critiques des Jeux Olympiques de Paris 2024 : il participe aux débats qui ont porté sur cet événement sportifs.
- Le titre de l'exposition "Le Revers de la Médaille" désigne le côté négatif ou les inconvénients d'une situation ou d'une chose qui, à première vue, semble positive. L'image vient du monde des médailles, où une médaille a deux faces : l'une visible et mise en avant, souvent la plus valorisée (l'avers), et l'autre, le revers, moins mise en lumière.
- Environnement et développement durable : les organisateurs avaient promis des Jeux « les plus verts de l’histoire ». Les ordures représentées sont une allusion à la réputation de saleté de Paris.
- Coût et retombées économiques : les coûts élevés des Jeux sont vues comme éloigné des besoins des habitants. Ici, les SDF ne profitent pas des retombées économiques des jeux.
- Inclusion sociale : Bien que des efforts soient faits pour que les Jeux bénéficient aux habitants, beaucoup doutent de la capacité des jeux à réduire les inégalités dans les quartiers populaires.
La gestion des sans-abri à l'approche des Jeux Olympiques de Paris 2024 a provoqué des critiques : elle a été perçue comme un "nettoyage social" dans les rues de Paris et de ses banlieues. Plusieurs associations ont dénoncé des évacuations massives de campements et de squats. Le but était de rendre l'image de Paris plus "propre" avant l'événement. Le gouvernement, de son côté, a affirmé que l'objectif n'était pas de réduire à zéro le nombre de sans-abri à Paris, mais a mis en place des mesures comme l'augmentation du nombre de places d'hébergement d'urgence et le déplacement des personnes vers d'autres régions, où elles sont prises en charge pendant quelques semaines